Bague Grenouille

Bague Grenouille
Vers 1910

Bague grenouille en or jaune 18k, figurant un batracien finement ciselé, allongé sur un anneau à trois fils. Ses pattes postérieures s’agrippent à l’anneau, tandis que ses pattes avant retiennent un cabochon de turquoise verte. Les yeux sont soulignés de deux petits cabochons de saphir.

Dimensions :
Taille : 50 (modifiable).
Poids : 14,4 g (18k – 750/1000 – poinçon hibou et poinçon de maître).

État :

Très bon état général. Le corps de la bague présente une ciselure fine et précise, restituant avec réalisme la texture de la peau de la grenouille. Une légère trace d’oxydation est visible sur l’une des pattes arrière, sans impact sur la solidité ou la lisibilité du motif.
Les yeux en saphir affichent une belle couleur vive, bien assortie à la monture. Quant à la turquoise, sa teinte verte peut surprendre. Il faut savoir que les turquoises présentent une large palette de nuances, du bleu ciel au vert intense. Dans le cas présent, la coloration verte résulte probablement d’une oxydation progressive au fil du temps — un phénomène fréquent sur les pierres anciennes, souvent considéré comme un indice d’ancienneté et d’authenticité.
Enfin, le choix du motif — une grenouille stylisée — reflète avec justesse l’intérêt porté, à la Belle Époque, aux thèmes naturalistes et animaliers, traités ici avec humour, raffinement et sens du détail.

Les bijoux autour de 1900 : la nature comme source d’inspiration

Autour de 1900, la joaillerie entre dans une période de profonde transformation, guidée par le courant de l’Art Nouveau. Ce mouvement artistique, né à la fin des années 1890, se développe à l’échelle européenne jusqu’à la Première Guerre mondiale, touchant aussi bien les arts décoratifs que l’architecture, le mobilier… et bien sûr la joaillerie.
Dans cet esprit de renouveau, les grands noms de la joaillerie française — René Lalique, Georges Fouquet, Lucien Gaillard ou encore Émile Gallé — incarnent cette esthétique nouvelle, qui rompt avec les traditions académiques du XIXe siècle.
Ce qui distingue la joaillerie Art Nouveau, c’est d’abord la liberté des lignes : les formes sont souples, mouvantes, asymétriques. Les contours rigides laissent place aux arabesques, aux ondulations et aux effets de fluidité qui évoquent le souffle du vent ou le mouvement de l’eau.

L’art Nouveau et la nature

Mais le cœur du style Art Nouveau réside dans son approche profondément naturaliste. La nature devient à la fois sujet et matière. Les artisans s’inspirent du monde végétal — fleurs en plein épanouissement, tiges sinueuses, feuillages stylisés — mais aussi, et surtout, du règne animal. Papillons, libellules, chauves-souris, serpents, grenouilles, paons, cygnes ou scarabées peuplent les créations, souvent traités avec un réalisme minutieux ou une poétique stylisation.
Dans ces compositions, l’animal n’est jamais anecdotique. Il traduit un regard nouveau sur le vivant, empreint à la fois de symbolisme et de merveilleux. Une libellule peut incarner la légèreté de l’âme, une grenouille rappeler la transformation ou la fertilité. Ce bestiaire fabuleux dialogue avec des figures féminines souvent surnaturelles : nymphes, muses, sirènes, fées, elles-mêmes fusionnées avec les éléments naturels.
Les matériaux employés participent aussi à cette esthétique : l’or jaune est ciselé, texturé, patiné pour imiter la matière vivante. L’émail, notamment l’émail plique-à-jour, permet de créer des effets de transparence évoquant les ailes d’un insecte. Des pierres semi-précieuses, du verre, de la corne, du bois ou encore de l’opale sont utilisés aux côtés des gemmes traditionnelles, redéfinissant le luxe selon les critères de la sensibilité artistique plutôt que de la pure valeur marchande.
Enfin, ce retour à la nature s’inscrit aussi dans une époque marquée par un désir de spiritualité et une fascination pour les sciences naturelles, la zoologie, la botanique. Les bijoux Art Nouveau célèbrent la beauté du monde vivant, mais aussi sa fragilité et sa magie.